« Cathares ».Toulouse dans la croisade | du 5 avril 2024 au 5 janvier 2025
Une exposition partagée entre deux sites : Couvent des Jacobins & Musée Saint-Raymond

Histoire

Toulouse est le berceau de l’ordre des frères Prêcheurs, aussi appelés les dominicains. Dès le début du 13e siècle, ils luttent contre l’hérésie, par leurs prédications et leur implication dans l’Inquisition. D’abord lieu d’étude, de prière et d’enseignement, le couvent des Jacobins a traversé les siècles malgré ses multiples usages au fil du temps. Il conserve la mémoire des dominicains et reflète encore aujourd’hui leur mode de vie.

Un nouvel ordre religieux

La naissance de l’ordre des dominicains

Au début du 13e siècle, Dominique, un clerc espagnol de passage à Toulouse, rencontre les hérétiques dits « cathares ». Il tente de les ramener à la foi par les échanges et le dialogue ; c’est le début de la prédication. Convaincu par les résultats obtenus, le pape l’autorise en 1216 à créer un nouvel ordre religieux : les frères prêcheurs dont les missions sont la prédication, la prière et l’étude. Malgré la croisade contre les albigeois qui ébranle la ville de Toulouse, la communauté des frères s’installe près de l’actuel palais de Justice puis rue Saint-Rome.

Dès 1217, Dominique envoie des frères partout en Europe pour fonder de nouvelles communautés. Il quitte Toulouse peu après et meurt à Bologne en 1221. A sa mort, l’ordre compte 20 couvents de frères et 4 de sœurs. Les prêcheurs sont de plus en plus nombreux et déménagent en 1230 à l’emplacement de l’actuel couvent. Dominique ne verra jamais le couvent construit.

Le saviez-vous ?
L’Inquisition

Créée en 1229 par le pape, l’Inquisition doit rechercher les hérétiques et les éliminer si elle ne parvient pas à les ramener dans la foi. Cette mission est confiée aux dominicains et aux franciscains dès 1233.

 La construction du couvent

A partir de 1230, la première église, basse et charpentée, est construite entièrement en briques. Son architecture correspond à la règle de pauvreté des dominicains. Les fidèles arrivent en nombre. Dès 1245, il faut agrandir l’église vers l’est. A partir de 1248, le réfectoire est allongé, une infirmerie, une hôtellerie et un nouveau dortoir sont construits tandis que le chantier du cloître se poursuit.

Vers 1275, le chœur de l’église est surélevé à 28 m et couvert de voûtes sur croisées d’ogives. La construction du clocher complète cette grande campagne de transformation. À partir de 1323, la nef est, elle aussi, surélevée et voûtée pour prolonger celle du chœur.

La dernière construction majeure débute en 1335, il s’agit de la chapelle funéraire, appelée chapelle Saint-Antonin. Ensuite, pendant près de quatre siècles, le couvent des Jacobins ne connaît aucun aménagement important.

Le saviez-vous ?
Jacobins, dominicains ou prêcheurs ?

Les frères appartiennent à ce qu’on appelle l’ordre des Prêcheurs car leur mission est de prêcher dans leurs églises ou à l’extérieur auprès des fidèles. Ils sont aussi appelés dominicains en référence à saint Dominique, leur fondateur. C’est au grand couvent de Paris, lieu d’accueil de la première communauté parisienne située rue Saint-Jacques, que l’on doit l’appellation « Jacobins ». Cette habitude est arrivée jusqu’à Toulouse !

La vie au couvent

Entre sobriété et érudition

Imitant la pauvreté du Christ, les dominicains doivent renoncer à tout revenu et vivre de mendicité. Sous l’autorité du prieur, la journée des frères vivant aux Jacobins – près d’une centaine – se répartit entre les offices liturgiques souvent chantés, la méditation, l’étude, l’enseignement et la prédication. À la différence des ordres monastiques, les frères mendiants se mêlent au peule, prêchent et mendient à l’extérieur. Ils respectent les règles strictes du couvent.

Dans la salle capitulaire, les frères se réunissent pour élire le prieur, admettre les novices, recevoir les hôtes de marque, régler les affaires de discipline et discuter de l’administration du couvent. Les frères convers effectuent a plupart des tâches manuelles. Les deux repas quotidiens, sans viande, sont pris en silence dans le réfectoire.

Saint Thomas d’Aquin

La Vie de Saint Thomas d'Aquin, Otto van Veen, Anvers, 1610 - , photo de l'exemplaire conservé par le couvent de Rangueil
©Pierre André

Né en Italie méridionale, Thomas entre en 1244 dans l’ordre des Prêcheurs. Il étudie et enseigne la philosophie d’Aristote, lit Saint-Augustin, les pères de l’église et la bible. Philosophe et théologien, il prône le rationalisme religieux : ni la foi, ni la raison ne sauraient dominer, pour la simple raison que l’une ne peut pas exister sans l’autre.

Il voyage à travers toute l’Europe pour enseigner mais il n’est jamais venu à Toulouse. Canonisé en 1323, le pape Urbain V remet ses reliques aux dominicains pour qu’elles soient vénérées à Toulouse dès 1368.

La période militaire

Ancienne zone du cloitre du couvent à l'époque où c'était un terrain vague
©Archives municipales

En 1789, la Révolution chasse les frères du couvent. Propriété de la Ville à partir de 1804, l’armée le transforme en caserne et en écurie, occasionnant des dégâts considérables. L’église est subdivisée en 3 niveaux ; ses fenêtres bouchées et ses chapelles éventrées.

La chapelle Saint-Antonin devient une infirmerie pour les chevaux malades et le réfectoire sert de manège. L’armée démolit deux galeries du cloître malgré les alertes de Prosper Mérimée, l’inspecteur des monuments historiques, et le classement comme monument historique en 1841. L’armée quitte finalement les lieux en 1865.

Sauvetage d’un couvent aux 1000 vies

Les nombreuses vies du couvent

Intérieur de l'église en usage détourné

Après le départ de l’armée, le couvent connaît une vie mouvementée. En 1865, il accueille l’exposition des Arts et de l’Industrie qui réunit plus de 1600 artisans. À partir de 1872, le cloître devint la cour de récréation du lycée Fermat.

Durant la Première Guerre mondiale, la Joconde et d’autres trésors du musée du Louvre sont cachés dans l’église. Le réfectoire sert de salle pour les réunions politiques puis de marché aux violettes avant d’abriter le salon de la radio et enfin les ateliers de fabrication des décors de l’opéra du Capitole.

Le sauvetage du couvent

Maurice Prin découvre les Jacobins en 1943. Passionné par l’histoire, il est associé aux études archéologiques puis embauché comme gardien en 1952. Ses découvertes, durant les travaux conduits par l’architecte Sylvain Stym-Popper dans les années 60, contribuent à la rénovation de tout le couvent. Avec patience et ténacité, ils recherchent les colonnettes et les chapiteaux disparus puis œuvrent à la reconstruction du cloître.

Ouvrier assemblant une colonne - photo d'archive en noir et blanc